Dans son dernier livre, la Guerre des Intelligences, paru chez Lattès, Le Dr Laurent Alexandre utilise des images fortes et efficaces : « En 1860, aucun chirurgien ne se lavait les mains avant d’opérer. En 2017, quasi aucun enseignant n’évalue le cerveau avant d’enseigner. » Il emploie les grands moyens pour sonner l’alerte. Il réclame l’État d’Urgence de l’école de 2017 à 2020.
La réalité sur le terrain, c’est qu’une grande majorité des enseignants sont des « early bird » en technologies. Quand j’ai commencé à travailler en collaboration avec un établissement scolaire, en 2011, la majorité des profs commençaient à peine à se servir d’un ordinateur. En 2014, j’ai connu des élèves qui ont bizuté une jeune enseignante de 30 ans, tout juste arrivée dans une école privée à la pointe des technologies, en la laissant écrire au gros feutre noir indélébile sur un smartboard dernier cri. Le fossé est abyssal entre le monde des enseignants et celui des élèves d’aujourd’hui. Le chantier de formation des enseignants est titanesque et contrairement à ce qu’annonce le Dr Alexandre, les nantis ne sont pas mieux logés que les déshérités lorsqu’il s’agit de l’intégration de la culture digitale dans l’enseignement et l’éducation.
Car la culture digitale ne se limite pas à fournir tablettes et smartboards dans les classes. Insidieuse, la culture digitale s’est immiscée dans notre quotidien en touchant à ce que nous avons de plus précieux : le lien qui unit les hommes. Elle a creusé le fossé des générations à tel point que désormais, les parents n’incarnent plus la génération précédente. Je rencontre beaucoup de parents, témoins de l’écart générationnel qui existe aujourd’hui entre leur fils aîné et leur fille de 6 ans sa cadette.
Une première étape à franchir en tant que parent (et elle n’est pas des moindres), c’est d’accepter le fait que notre expérience personnelle est un fardeau pour nos enfants et adolescents actuels, car s’il y a une certitude, c’est qu’ils ne feront rien comme nous.
L’impact de la culture digitale sur notre développement cognitif, psychologique et culturel nous impose à tous, tôt ou tard, de profondes prises de conscience et de sérieuses remises en question. Enfin, elle demande à chaque être humain un investissement personnel de chaque instant pour s’engager dans cette véritable mutation personnelle.
En d’autres mots, chaque être humain est appelé à faire sa mise à jour logiciel à la seule différence que notre mutation humaine se fait plus de lentement que la mise à jour d’un programme informatique. Faire évoluer la corporation des enseignants prendra du temps et malheureusement, le temps est un luxe que nous ne pouvons plus nous offrir.
Selon moi, cet état d’urgence de l’école est un coup d’épée dans l’eau si nous ne la renforçons pas d’une mobilisation citoyenne des parents, car la grande confusion entre enseignement et éducation pourrait bien nous faire perdre la Guerre des Intelligences. Une guerre bien réelle et déjà bien entamée.
Alors, revenons aux bases ! D’un côté, nous avons les parents, les tuteurs responsables de l’éducation des enfants à la maison au sein de la famille et de l’autre côté, nous avons les maîtres, enseignants et professeurs qui instruisent les écoliers, lycéens, étudiants à l’école et à l’université. Il me semble essentiel, à l’heure où il est question de réinventer l’école plutôt que de la réformer, que chacun reprenne ses responsabilités avant de passer efficacement à l’action dans une collaboration saine et respectueuse.
Notre mission est-elle de repenser l’éducation et l’enseignement d’aujourd’hui ? Certainement ! Et cette mission, c’est bien à nous tous qu’elle incombe, ce n’est pas uniquement celle d’un ministre ou celle de l’État.
L’avenir de l’éducation se joue au sein de notre foyer en priorité. Et c’est plutôt rassurant, car si chacun fait sa part, le cercle vicieux peut se transformer rapidement en spirale vertueuse.
Les solutions existent. Elles sont en chacun de nous.
Alors, au boulot !
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